Rapports Oxfam : beaucoup d'erreurs et une méthodologie contestable

Attention à la méthodologie contestable des rapports Oxfam

Oxfam est un regroupement d'associations qui luttent contre la pauvreté et les inégalités dans le monde. Régulièrement, Oxfam publie des rapports sur ces sujets qui sont fortement relayés dans la presse et les médias (je ne comprends pas pourquoi cette association est plus médiatisée que les autres...). Si l'intention est louable, il faut faire attention à leur interprétation car les méthodes de calculs utilisées sont souvent critiquables et erronnées. En ce début d'année, Oxfam affirme que les 26 personnes les plus riches détiennent autant d'argent que la moitié de l'humanité, que les plus pauvres paient plus d'impôts que les plus riches, et que les inégalités se creusent... Est-ce le reflet de la réalité ? Quelle est la méthode d'évaluation derrière ce rapport ?

Une précédente étude critiquable et douteuse sur les inégalités de richesse dans le monde

Déjà l'année dernière, Oxfam publiait un autre rapport sur les inégalités de richesse avec une formule choc : 82 % des richesses créées dans le monde ont bénéficié aux 1 % les plus riches. Cependant, la méthodologie utilisée pour évaluer la richesse est très contestable. En effet, en regardant uniquement le patrimoine net des emprunts, une personne qui possède un prêt immobilier se retrouve plus pauvre qu'un enfant syrien sans abri. De même, avec cette méthodologie, les Etats-Unis font partie des pays ayant le plus de pauvres loin derrière la Chine. Est-ce vraiment pertinent ?

De plus, Oxfam confond argent et valorisation d'un patrimoine mobilier comme les actions en bourse. Ce patrimoine mobilier n'est absolument pas disponible immédiatement, très volatil et ne peut pas être imposé aussi simplement que des revenus classiques à cause des variations de valeur. De plus, le prix d'une action reflète la situation d'une entreprise donc tient compte de ses dettes, ce n'est pas de l'argent immédiat et disponible.

Un autre rapport très contesté sur la répartition des bénéfices des entreprises du CAC 40


Il y a quelques mois, un autre rapport d'Oxfam sur la répartition des bénéfices dans les entreprises du CAC 40 a fait grand bruit dans la presse et les médias traditionnels. Si le débat mérite clairement d'être soulevé, le rapport lui est truffé d'erreurs et de biais qui décrédibilisent une fois encore l'association. Le pire est que cela a été trop rarement évoqué par les médias et la presse. L'Usine Nouvelle a publié une interview de Patrick Artus (directeur chez Natixis donc loin d'être objectif) pour donner une contrepoids mais il aurait été préférable de faire une vraie analyse détaillée et objective pour prendre du recul sur ce rapport Oxfam.

Que dit ce rapport ? Il affirme que les entreprises du CAC 40 ont principalement utilisé leurs bénéfices pour rémunérer leurs actionnaires (67 %) et très peu pour rémunérer leurs salariés à travers la participation et l'intéressement (5 %), le reste allant au réinvestissement dans l'entreprise. Pourquoi ces conclusions sont biaisées et s'appuient sur des erreurs de méthodes ?

Tout d'abord, les dividendes ne reflètent pas la rémunération des actionnaires. Si vous avez lu mon article sur la signification du prix d'une action, vous comprendrez rapidement que, malgré la croyance populaire, les dividendes ne sont absolument pas pertinents pour mesurer la rémunération des actionnaires. En effet, le détachement d'un dividende fait baisser mécaniquement le cours de l'action, cela est donc toujours neutre pour l'actionnaire.

L'actionnaire cherche à se rémunérer sur la création de valeur de l'entreprise qui fera croitre la valeur de l'action, avec ou sans détachement de dividende. La dividende n'a d'intérêt pour l'actionnaire que s'il juge qu'il fera meilleur usage de cet argent que l'entreprise dans laquelle il a investi. Certains actionnaires privilégient les entreprises à fort dividende non pas à cause de celui-ci directement mais parce qu'un fort dividende est souvent (pas toujours) synonyme d'une entreprise qui arrive à être rentable sur le long terme.

Quelqu'un qui s'intéresse un minimum aux marchés financiers et aux actions d'entreprise verra facilement que les entreprises qui distribuent des dividendes ne sont pas forcément une bonne affaire pour l'investisseur, surtout dans les entreprises du CAC 40 ! Historiquement, EDF a toujours été un exemple de gros distributeur de dividendes. Et le cours de son action s'est effondré tout au long des années. Un très mauvais pari pour l'actionnaire. Au contraire, une entreprise comme Iliad (maison mère de Free) distribue une part très faible de dividendes et a pourtant permis à ces actionnaires de s'enrichir considérablement. Un autre exemple frappant est celui d'Apple qui ne distribue quasiment jamais de dividendes, et pourtant leurs actionnaires sont devenus très riches en possédant ces actions Apple. A travers son rapport et ses comparaisons à d'autres pays, Oxfam sous-entend que le CAC 40 rémunère mieux que les autres pays. Il suffit de comparer objectivement et financièrement ce qu'aurait gagné un investisseur sur le CAC 40 plutôt qu'un investisseur sur le DAX ou le S&P 500 (toutes les données historiques sont disponibles) pour comprendre que cela est totalement faux.

De plus, les salaires et les conditions de travail sont aussi des facteurs de partage des revenus de l'entreprise. Les évolutions de salaire ainsi que les conditions de travail sont bien plus pertinents comme éléments que les primes (qui ne touchent pas tous les salariés) et l'intéressement pour mesurer le partage des revenus au sein d'une entreprise. Pourtant, Oxfam oublie complètement d'évoquer ces aspects et de faire une étude approfondie détaillée. Ce n'est pas étonnant quand on sait que les salariés des entreprises du CAC 40 bénéficient de nombreux avantages et d'une évolution salariale favorable comparée à d'autres entreprises similaires dans d'autres pays.

Les inégalités de richesse existent, encore faut-il savoir bien les identifier...

Oxfam oublie aussi que les salariés sont aussi souvent des actionnaires de leurs entreprises, notamment parmi celles du CAC 40. Pourquoi chercher sans cesse à opposer salariés et actionnaires ? Parmi les entreprises du CAC 40, la proportion de salariés actionnaires est extrêmement importante grâce aux dispositifs de Plan d'Epargne Salariale (dont je vous recommande l'utilisation dans cet article).

Enfin, les profits d'une entreprise française ne sont pas uniquement les profits du travail des salariés français. On l'oublie encore trop souvent (et pourtant on devrait en être fier) mais les entreprises du CAC 40 génèrent la majorité de leurs profits à l'étranger. Il est absurde de vouloir le comparer uniquement aux salariés français. Les investissements de ces entreprises se font dans le monde entier, tout comme les actionnaires sont loin d'être tous français.

Si les actionnaires du CAC 40 s'enrichissent si simplement, n'oubliez pas que n'importe qui peut devenir actionnaire de tout le CAC 40 via des trackers ayant très peu de frais de gestion. Devenez actionnaire, c'est aussi le conseil que je vous donne à travers ce blog.

Toujours prendre du recul sur les analyses économiques

Malheureusement, Oxfam va continuer à faire parler d'eux à travers leurs rapports controversés. Cela est le cas depuis plusieurs années maintenant, et vous verrez dans les prochains mois, je parie qu'un autre rapport Oxfam sera largement relayé par la presse et les journaux télévisés. Malheureusement, rares sont les médias qui apportent un regard critique et du recul sur ces rapports et ces analyses économiques. N'oubliez jamais que l'économie et la finance sont loin d'être des sciences exactes, et qu'on arrive toujours à faire dire ce qu'on veut des chiffres et des statistiques. Winston Churchill disait à juste titre : je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées.

Je vous invite à lire cet article des décodeurs du Monde pour comprendre en détails en quoi il faut être méfiant vis à vis des études Oxfam, ainsi que cet article sous Wikipédia qui parle des nombreuses polémiques et critiques qui entâchent Oxfam. Difficile de comprendre pourquoi cet organisme arrive à conserver cet aura médiatique...

En conclusion, attention donc aux études médiatisées et aux conclusions trop hâtives. Ces débats doivent être soulevés et nous sommes loin de vivre dans un monde avec une juste répartition des richesses. Je suis le premier à penser que les inégalités de richesses, d'éducation, de niveaux de vie sont importantes et que nous ne faisons pas assez pour lutter contre certains privilèges. Mais si nous ne faisons pas l'effort de comprendre la complexité et la réalité du problème, nous n'arriverons jamais à des solutions efficaces ni à faire élever le débat et les croyances populaires. Ce n'est pas en opposant toujours la majorité silencieuse qui souffre et quelques multinationales et milliardaires célèbres qu'on arrivera à faire bouger les lignes.

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